Il y a soixante ans, souvenez-vous

II y a soixante ans, pendant un printemps qui annonçait des jours meilleurs, les armées alliées libéraient les camps nazis de concentration et d'extermination. Dans ce printemps de 1945, la nature ne devait pas être la seule à se régénérer. Ceux qui avaient survécu devraient se reconstruire physiquement et psychiquement pendant de nombreuses années. Leurs mémoires resteront marquées jusqu'à leurs derniers souffles des horreurs qu'ils auront vécues et de cette immense tragédie que leur aura fait écrire l'histoire. Nous avons le vital devoir de ne pas oublier pour tirer les leçons de ces années noires. Pour cela, nous allons évoquer deux personnes qui ont un lien avec notre quartier, une femme et un homme qui, par leur courage, leur haute opinion de la liberté et de la démocratie, dépassent le commun des mortels : Germaine PICAN et le docteur GALLOUEN.

Germaine PICAN, née MORIGOT, vient au monde le 10 octobre 1901, à Malaunay. Elle se marie dans cette commune, en 1923, avec André PICAN. Institutrice d'abord à Elbeuf-sur-Seine, puis dans deux villages du pays de Caux, le début de la guerre la voit à Maromme. Son mari, André Pican, instituteur lui aussi, anime avec un grand charisme un réseau de résistance dans la vallée du Cailly et vit dans la clandestinité. Arrêtée une première fois en juin 1941, elle est relâchée de Compiègne. La Gestapo espère en effet la suivre discrètement pour trouver où se cache son mari. Mais elle ne tombe pas dans le piège. En février 1942, Germaine PICAN va à Paris établir une rencontre avec son mari qui est dans la capitale, mandaté pour des responsabilités plus grandes. Mais elle a été dénonrke et la Gestapo met la main sur eux. André Pican est fusillé au Mont-Valérien, avec neuf autres résistants, le samedi 23 mai 1942. II avait à peine quarante ans. Germaine Pican, via Compiègne à nouveau, est emmenée au terrible camp d'Auschwitz, portant le matricule n° 31.679. Elle sera libérée en avril 1945, au bout de trois longues années d'épouvante.
De retour en France, elle sera institutrice de 4° à l'école Jules Ferry, au Mont-Gargan. Elle prendra sa retraite en 1955. Témoignant de son combat et de ses souffrances aux jeunes générations, combien de ses élèves ont été troublés et émus par ses récits ?
Presque centenaire, Germaine PICAN décède le 29 janvier 2001. Elle repose en paix auprès de son époux au cimetière de Maromme, où vous pourrez voir sa tombe près du monument aux morts.

Quant au docteur Maurice Gallouen, il nait à Lorient le 26 août 1879. Installé à Rouen depuis 1909, il a son cabinet en haut de la rue Louis Ricard, où une plaque rappelle son souvenir. II sera connu comme le médecin des pauvres, ne se faisant pas payer quand ses clients ne le pouvaient pas. II s'occupait du Secours aux indigents et du dispensaire, impasse de Carville. II accueille des fillettes espagnoles réfugiées. II a soixante ans quand la guerre arrive. Très vite, il entre dans la résistance, où il ne fait pas de la figuration, aidant les cheminots, cachant des explosifs et des imprimés interdits chez lui, soignant et cachant des soldats français. Lui aussi est dénoncé par un français. Franc-maçon, ayant des sympathies pour le Front populaire, il est le client de choix pour la Gestapo. II est arrêté à son cabinet le 21 juin 1940. Déporté à Sachsehausen en 1943, puis à Bergen-Belsen en février 1945, il utilise ses capacités de médecin pour essayer de soulager les souffrances de ses compagnons. Libéré en mars 1945, il refuse de partir pour continuer de soigner ceux qui ne peuvent être transportés. Victime de son dévouement, il mourra du typhus en juin 1945. Son corps n'a pas été retrouvé. On ne l'entendra plus jouer excellemment du violon et de l'alto.
Une rue du Mont-Gargan porte le nom de cet homme qui nous réconcilie avec le genre humain.

© Copyright Dominique SAMSON - Mai 2005