La maison de Dioxine est fermée

Certain aime Caroline, d’autres Léontine. Nous, au Mont-Gargan, nous étions obligés de vivre avec Dioxine… et nous ne l’aimions pas. Dioxine était une fille issue de parents hydrocarbures à base de benzène et femme libérée lors du brûlage des plastiques à l’usine d’incinération du Val d’Eauplet.

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Son parfum, invisible mais pénétrant, pouvait engendrer des cancers, une baisse des défenses immunitaires et des dérèglements du système hormonal. Se déposant sur la végétation, il pouvait être ingurgité par l’homme, via la chaîne alimentaire, notamment le lait de vaches, si nombreuses en Normandie. A Rouen, on a relevé 14 à 19 nano-grammes de Dioxine par mètre cube de fumée, alors que les directives européennes recommandaient un seuil de 0,1 nano-gramme à ne pas dépasser en l’an 2000.

Dans la maison de Dioxine, on fumait beaucoup trop. Le matin, sur les capots des voitures, on pouvait voir la fine pellicule de cendres rejetées par cette grande cigarette se dressant fièrement au bord de la Seine. Sans compter les poussières suspectes que nous respirions. Cette maison, vorace de toutes les ordures que nous produisions, avait de sérieux problèmes d’indigestion. Il lui fallait un vigoureux programme de diète, voir l’interdiction de manger en cet endroit et de trouver une autre table en urgence. Les remèdes préconisés par le Préfet étaient déjà trop tard car cette usine n’était plus une jeune fille. Elle avait une trentaine d’années. Trop vieille pour se refaire un lifting total et efficace, elle ne pouvait plus répondre aux normes exigées pour rivaliser aux concours de miss santé ou miss propreté.

Enfin, le dimanche 02 juillet 2000, elle a cessé toute activité. Une nouvelle table à été ouverte au Grand Quevilly, chez "Vesta", propre, sans odeur, sans fumée, moins polluante. Nous pouvons au Mont-Gargan, à Bonsecours et ailleurs, à nouveau respirer, humer et consommer les salades de nos jardins. Dioxine est partie. Nous ne la regrettons pas.

© Copyright Dominique SAMSON - Septembre 2000