Une filature devenue militaire

Nous sommes le onze novembre 1792, la Révolution a commencé et la première République a été proclamée il y a quelques semaines. A la Ferté-Macé, un bourg de l'Orne, tout est calme ce jour-là, hormis les cris d'un nouveau-né, Charles François LEVEILLE. Nous le retrouvons bien des années après, ayant fondé une filature de coton, route de Lyons, au Mont-Gargan, à Rouen . En 1853, cette filature avait 18.500 broches. Auparavent, il s'est marié avec Adèle Bodin, en 1820, près de Condé-sur-Noireau. De ce mariage, naisssent à Rouen, 10, rue Préfontaine, le 13 décembre 1824, deux jumeaux, Adèle Louise, puis Charles Jules. Ce qui veut dire que la filature existe déjà avant cette date. A la mort de Charles François Leveillé, en 1867, son fils Charles Jules reprend la filature. Il a, en plus de la filature, une teinturerie dans la rue Préfontaine et un dépot de cotons, écrus et teints, rue du Gros-Horloge.

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"Sortie du tunel de la côte Sainte-Catherine - Fabriques Léveillé".
Jules JANIN 1847 - Itinéraire du Chemin de Fer de Paris au Havre

Le grand batiment à droite de la cheminée est l'actuel garage municipal.
Devant la cheminée, l'actuel établissement Marais.

Mais personne n'est immortel. Le six novembre 1880, à six heures du matin, Charles Jules Leveillé décède. Comme il semble qu'il n'y ait personne pour reprendre l'activité familiale, la ville de Rouen devient propriétaire des bâtiments.

L'armée a besoin de locaux pour les réservistes et les territoriaux. Elle réquisitionne donc la filature Levéillé. Ce n'est qu'en juin 1889 qu'elle baptise cette caserne du nom de TRUPEL, brillant militaire de l'empereur Napoléon I°, né à Yvetot en 1771. Créer des chambrées dans de vastes salles vouées auparavant à une activité industrielle va poser de sérieux problèmes d'hygiène et d'aération. Imaginez des compartiments, où les soldats, de passage, dorment à même le sol sur des paillasses, avec la chaleur que nous avons eu en août dernier, avec les chaussettes qui pendent aux fenêtres... Le bâtiment va donner quelques soucis de structure en 1905, vite réparés. Pendant la première guerre mondiale, les soldats anglais y trouveront un gite. Après cette guerre, la caserne Trupel devient un dépot de matériel régional du Service de Santé. Pendant la deuxième guerre, des prisonniers anglais sont gardés par une petite unité allemande, puis l'histoire n'étant qu'une suite de revirements, à la fin de la guerre, c'est le contraire. Suivront de longues années où l'imagination des enfants du quartier en fera un terrain d'aventures idéal.

En 1962, le ministre des armées autorise l'abandon du droit d'usufruit de l'Etat sur la caserne Trupel. En mars 1963, la ville de Rouen en fait un garage municipal qui déménage aujourd'hui. Voilà dans les grandes lignes l'histoire de ce site, seul témoin présentant un intérêt architectural de ce qui fut le riche passé industriel de la route de Lyons-la-Forêt.

Quel sera maintenant son avenir, disparition ou réhabilitation avec un nouvel usage ? A nous tous d'y réfléchir dès maintenant.

© Copyright Dominique SAMSON - Septembre 2001