L'écologie et la botanique de la Côte Sainte-Catherine

Les espèces végétales

La Côte Sainte-Catherine a également un caractère exceptionnel pour les espèces végétales que l'on y trouve. Dans le monde entier, les milieux naturels les plus remarquables sont ceux des pelouses calcicoles qui battent des records de biodiversité, c'est à dire celui qui comportent le nombre d'espèces le plus élevé sur une surface déterminée. La Côte est un de ces milieux naturels. On peut y observer par exemple, plusieurs espèces d'orchidées dont certaines rares, font l'objet d'un classement. Certaines variétés de plantes peuvent étonner par leur présence sous cette latitude puisque d'origine sub-méditerranéenne. Une petite graminée, la Seslérie bleue (Sesleria albicans), est surprenante puisqu'elle a réussi à s'adapter sur les pelouses après avoir colonisé les steppes froides de la dernière glaciation qui a pris fin il y a 12 000 ans ! Cette herbe devait faire partie du régime alimentaire des mammouths.

Ce milieu naturel n'existe cependant que par l'activité humaine qui s'y exerce. En effet pendant la préhistoire, il était occupé par la forêt. Mais les premiers paysans du Néolithique ont commencé à exploiter les lisières et clairières entretenues par les animaux sauvages, puis à défricher des espaces de plus en plus importants.

Cette activité sur les coteaux s'est maintenue de tout temps, notamment au Moyen-Age où de nombreux troupeaux de moutons pâturaient, fournissant ainsi de la matière première pour l'industrie drapière très importante à Rouen. L'activité pastorale a cessé définitivement pendant les années 50, laissant la nature reprendre le dessus au risque de perdre une biodiversité végétale si remarquable.

De fait, depuis une quarantaine d'années, les relevés botaniques font apparaître une menace de disparition de la moitié des espèces recensées, et dans le lot, un bon nombre sont déjà présumées disparues.

Différentes  évolutions du paysage

En partant du bas de l'escalier qui se trouve près de l'entrée du cimetière du Mont Gargan (rue Henri Rivière à Rouen), pour en gravir les marches jusqu'au panorama, le promeneur pourra observer les différentes  évolutions du paysage de la colline.

Sur la première partie orientée vers le nord, on traverse un bois composé essentiellement de frênes et d'érables faux platanes, ce qui est la dernière étape avant une colonisation des lieux par la forêt. Beaucoup d'anciennes cartes postales du début du siècle montrent cet endroit, comme toute la surface de la colline, entièrement dénudé sans aucun arbre ou arbuste.

Un peu plus haut, sur la  gauche, apparaît une petite clairière dont la lumière permet à un certain nombre de plantes de s'épanouir. Elles sont toutes très communes, comme la berce qui affectionne les bords des chemins et dont la racine  aurait les propriétés du gingseng. Entre les hautes tiges du cerfeuil sauvage et de la tanaisie, poussent le plantain lancéolé ("herbe aux cinq coutures", appellation dûe aux cinq nervures de sa feuille) et le tussilage.  Sa fleur jaune, ressemblant à celle du pissenlit, est une des premières à s'épanouir au printemps. Sa large feuille arrondie ne sortira qu'après la disparition de la fleur. Cette plante était utilisée pour guérir la toux  (tussis = toux – agere = supprimer).

Avant d'arriver au premier replat, une petite prairie en pente, sur la droite, est recouverte de fines tiges verticales. Ce sont celles de l'ail des vignes (alium vineale) au parfum très caractéristique. Cette plante est intéressante car, poussant fréquemment sur les terrains à destination viticole, elle signale la présence de l'ancien carré de vignes de l'abbaye Sainte-Catherine figurant sur des gravures anciennes datées de 1580. A la fin du moyen-âge, un petit réchauffement climatique devait en effet faciliter cette culture. Au milieu des touffes d'herbes, se cache la discrète véronique de Perse, petite fleur bleue qui doit son prénom à celle qui a essuyé le visage du Christ, car elle ressemble vaguement à un visage humain.

Sur le replat, en se dirigeant vers la droite, on traverse une haie  plantée de divers arbustes comme le sureau et le rosier sauvage appelé rosier des chiens (rosa canina) car moins noble que le rosier cultivé. Cette haie s'est implantée sur un fossé qui pourrait être l'ancien  chemin menant au prieuré puis à l'abbaye. Dans ce fossé pousse un gros plant d'iris fétide (iris foetidissima). II est très rare de retrouver sous une latitude aussi septentrionale cette plante qui affectionne les  bords de mer atlantico-méditerranéens. Plusieurs espèces animales, comme le lézard vert et la mante girelieuse, trouvent aussi leur limite de répartition au nord de la France sur les coteaux de la vallée  de Seine.

A quelques mètres du fossé, on remarquera les vestiges des fondations du prieuré Saint-Michel et sur la gauche, la base d'un ancien calvaire.

Vigne abbaye belleforest 1580
La vigne de l'abbaye d'après Belleforest vers 1580. 

Une vaste prairie

Avant d'entamer la montée de la seconde partie de l'escalier, il faut se tourner vers la gauche pour remarquer une vaste prairie bien dégagée. II y a quelques années, cette prairie subissait une importante invasion de petits arbustes, dernière étape avant la fermeture du milieu et sa transformation en espace boisé.

L'association Côte Sainte-Catherine en collaboration avec le Conservatoire des Sites de Haute Normandie, a commencé le défrichement en coupant arbustes et rejets, pour permettre au Conservatoire d'effectuer ensuite un fauchage suivi d'un entretien régulier. 
En effet, la première étape de la disparition de la prairie calcicole est sa colonisation par une graminée, le brachypode penné, qui forme des touffes d'herbes hautes et denses, empêchant ainsi tout développement des plantes de moindre taille. 

© Christian CHABRERIE - Avril 2005